TROISIÈME CENTURIE
1. LÕusage raisonnable des objets et de leurs
représentations a pour fruits la chasteté, la chasteté et la connaissance;
l'usage déraisonnable, la débauche, la haine et l'ignorance.
2. Tu as préparé
devant moi une table, etc... La table désigne ici la vertu active, car c'est
bien elle que le Christ nous a préparée à la face de ceux qui nous oppriment.
L'huile qui oint l'esprit, c'est la contemplation des créatures. La coupe
divine, c'est la connaissance dont l'objet est Dieu. Sa Miséricorde, c'est son
Verbe, Dieu lui aussi; en effet ce Verbe, grâce à son Incarnation, ne cesse de
nous poursuivre tous les jours, jusqu'à ce qu'il ait atteint tous ceux qui
seront sauvés. (Exemple : saint Paul.) Quant à la maison, c'est le royaume, où
doivent être ramenés tous les saints, et, les longs jours, la vie
éternelle.
3. C'est dans la mesure où nous usons mai des puissances de notre
âme : concupiscible, irascible eu raisonnable, que les vices s'installent en
elles, dans la partie raisonnable, l'ignorance et la sottise; dans l'irascible
et la concupiscible, la haine et la débauche. Leur bon usage au contraire
produit connaissance et prudence, amour et chasteté. Par conséquent, rien n'est
mauvais parmi les créatures de Dieu.
4. Ce nÕest pas la nourriture quÕest un
mal, mais la gourmandise, ni la procréation des enfants, mais la luxure; ni les
richesses, mais l'avarice; ni la gloire, mais la vaine gloire. Par conséquent,
rien de ce qui est n'est mauvais, mais seulement l'abus, suite de la négligence
de notre esprit à se cultiver selon la nature.
5. La malice des démons, selon
le bienheureux Denys, se définit ainsi : colère sans raison, convoitise sans
intelligence, imagination emportée. Or la déraison, l'inintelligence,
l'emportement sont, par définition privation de raison, d'intelligence et de
prudence. Mais la privation est postérieure à la possession. Donc, avant d'être
privés, les démons étaient pourvus de raison, d'intelligence, dÕune sage
prudence. Par conséquent, les démons non plus ne sont pas par nature mauvais :
ils le sont devenus par un mauvais usage de leurs facultés naturelles.
6.
Certaines passions ont pour fruit la débauchée d'autres la haine; d'autres, les
deux à la fois.
7. Manger trop et trop bien mène à la débauche; être avare et
vaniteux, à l'aversion pour le prochain et l'égoïsme, père de ces deux défauts,
mère aux deux à la fois.
8. L'égoïsme est une inclination passionnée et
déréglée pour le corps. Ses adversaires sont la charité et la maîtrise de soi.
Avoir cet égoïsme, c'est évidemment avoir toutes les passions.
9. Personne
n'a jamais haï sa propre chair, dit l'Apôtre; et pourtant il traite la sienne
durement et la tient en servitude, sans lui fournir rien d'autre que la
nourriture et le vêtement, et pas plus qu'il ne lui en faut pour vivre. En fait,
c'est l'aimer, mais sans passion; c'est l'entretenir, mais comme simple servante
des choses divines, c'est l'encourager, mais par cela seulement qui satisfait à
ses besoins.
10. Celui qu'on aime, on s'efforce de le servir en tout. Si donc
c'est Dieu qu'on aime, on s'efforce de faire ce quÕil Lui plaît; si c'est la
chair, on s'efforce d'accomplir tout ce qui la flatte.
11. Ce qui plaît à
Dieu, c'est la charité et la chasteté, la contemplation et l'oraison. Ce qui
plaît à la chair, c'est la gourmandise, la débauche et ce qui les développe.
Voilà pourquoi ceux qui vivent dans la chair ne sauraient plaire à Dieu; mais
ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair avec ses passions et ses
convoitises. (Rom 8,8).
12. S'il se tourne vers Dieu, l'esprit traite son
corps en esclave et ne lui accorde que ce qu'il lui faut pour vivre; s'il se
tourne vers la chair, il devient l'esclave des passions et a sans cesse l'esprit
tendu vers ses convoitises.
13. Veux-tu devenir maître de tes pensées ?
Surveille tes passions, chasse-les constamment de ton esprit, loin de tes
pensées. Ainsi, contre la luxure, jeûne, veille, fais des travaux pénibles,
isole-toi; contre l'irritation et la tristesse, méprise la gloire, l'obscurité,
les objets matériels; contre le ressentiment, prie pour celui qui t'a offensé,
et tu seras délivré.
14. Ne te compare pas aux plus faibles, mais efforce-toi
toujours plus à pratiquer le commandement de lÕamour. En te comparant aux plus
faibles, tu tombes dans la présomption; en t'efforçant d'observer le précepte,
tu marches vers le sommet de l'humilité.
15. Tu prétends observer sans
réserve le précepte d'aimer ton prochain ? Alors, pourquoi cette amère
rancune contre tel ou tel sourd-elle en toi ? N'est-ce pas le signe qu'à la
charité tu préfères des biens d'un instant et luttes pour les posséder jusqu'à
combattre ton frère ?
16. Si l'argent est recherché par les hommes, c'est
moins pour son utilité, que parce que la plupart servent par lui leurs
plaisirs.
17. Trois raisons font aimer l'argent : le penchant au plaisir, la
vanité, le manque de foi. Le plus grave des trois, en est le manque de
foi.
18. Le voluptueux aime l'argent pour le faire servir à ses jouissances,
le vaniteux, pour acquérir par lui la gloire, lÕhomme de peu de foi, pour le
cacher et le garder par peur de la disette, de la vieillesse, de la maladie, de
l'exil. Et il espère plus en son argent qu'en Dieu créateur de l'univers, dont
la Providence s'étend jusqu'au dernier et au plus infime des vivants.
19. Il
y a quatre espèces d'hommes à mettre de l'argent de côté : les trois que je
viens d'énumérer, et ceux qui administrent des biens. Seuls ces derniers, bien
entendu, le font légitimement : car leur but est d'être perpétuellement en
mesure de subvenir aux besoins de chacun.
20. En général, les pensées
passionnées tantôt excitent dans l'âme la partie concupiscible, tantôt
bouleversent l'irascible, tantôt obscurcissent la raisonnable. Le résultat,
c'est l'aveuglement de l'esprit pour la contemplation spirituelle et pour
l'envol de la prière. C'est pourquoi le moine, et particulièrement le solitaire,
doit surveiller exactement ses pensées pour en reconnaître et supprimer les
causes. Et voici comment les reconnaÎtre : quand des images de femmes,
auxquelles se mêle la passion, excitent la puissance concupiscible, la cause en
est l'intempérance dans le boire et le manger, jointe à de fréquents entretiens,
que rien ne justifie, avec des femmes; la suppression de ces causes s'obtient
par la faim, la soif, les veilles et la solitude. Quand la puissance irascible,
à son tour, se trouble au souvenir passionné d'offenses reçues, la cause en est
l'amour du plaisir, la vanité, l'attachement, aux objets matériels. (Car ce qui
afflige l'homme qui n'a pas la liberté intérieure, c'est d'en être privé ou de
ne pouvoir les atteindre.) La suppression de ces causes s'obtient par le mépris
- un mépris absolu - de ces bagatelles, par amour pour Dieu.
21. Dieu se
connaît Lui-même; Il connaît aussi ses créatures. Les saints anges également
connaissent Dieu et connaissent ses créatures. Mais la connaissance que Dieu a
de Lui-même et de ses créatures ne ressemble guère à celle que les saints anges
ont de Dieu et de ses créatures.
92. Dieu se connaît Lui-même par son Essence
bienheureuse, Il connaÎt ses créatures au moyen de sa sagesse, en qui et par qui
il a tout fait. Mais les saints anges connaissent par participation Dieu, qui
est au-dessus de toute participation; et ils connaissent ses créatures par la
perception des idées qui sont en elles.
23. Les êtres sont extérieurs à
l'esprit, qui n'a d'eux, en lui-même, qu'une représentation. Mais il en va tout
autrement pour Dieu, l'Éternel, l'Infini, l'Invisible, qui leur donne
gratuitement l'être, le bien être, et le toujours être.
24. La nature
raisonnable et spirituelle participe du Dieu saint, par son être même, par son
aptitude à bien être (je veux dire par son aptitude à la bonté et à la sagesse),
et par le don gratuit du toujours être. C'est par cette participation qu'elle
connaît Dieu. Quant aux créatures, elle en a la connaissance, je le répète, par
la perception de la sagesse ordonnatrice, qu'elle contemple dans les créatures
et qui se retrouve,
à lÕétat pur et non sous forme de substance, dans
l'esprit.
25. En amenant à l'existence la nature raisonnable et spirituelle,
Dieu, par une suprême bonté, lui a communiqué, quatre des propriétés divines par
les quelles Il maintient, garde et conserve les êtres : l'être et le toujours
être, la bonté et la sagesse. De ces dons, les deux premiers ont été attribués à
l'essence elle-même; les deux autres, bonté et sagesse, à la volonté, afin que,
ce qu'll est Lui-même par essence, sa créature le devînt par participation.
CÕest pourquoi cette créature est, dit-on, faite à l'image et à la ressemblance
de Dieu : à l'image, d'abord, comme étant, de Celui qui est, comme étant
toujours, de Celui qui est, toujours, car, si elle n'est pas sans commencement,
du moins elle est sans fin. A la ressemblance ensuite, comme étant bonne, de
Celui qui est bon, comme étant sage,de Celui qui est sage, ressemblant ainsi,
par grâce, à Celui qui est bon et sage par nature. Ainsi toute nature
raisonnable est à lÕimage de Dieu; mais à sa Ressemblance, seuls le sont les
bons et les sages.
26. LÕensemble de la nature raisonnable et spirituelle se
divise en deux ordres : la nature angélique et la nature humaine. A son tour,
l'ensemble de la nature angélique se partage en deux grands partis et groupes :
élus et maudits, bons anges et démons impurifiables. Enfin, lÕenserable de la
nature humaine se partage en deux grands partis seulement : pieux et
impies.
27. Dieu, qui est lÕÊtre même, la Bonté même, la Sagesse même, ou
plutôt, à vrai dire, transcendant à toutes ces qualités, ne saurait posséder
absolument rien des qualités contraires. Mais les créatures, qui n'ont l'être
que par une participation toute gratuite, les êtres raisonnables et
intelligents, qui ont aussi l'aptitude à la bonté et à la sagesse, les créatures
possèdent des qualités contraires : à côté de l'être, le non-être, à côté de
l'aptitude à la bonté et à la sagesse,
la malice et l'ignorance. Mais leur
existence ou non-existence dépendent du bon plaisir de leur Auteur; tandis qu'il
dépend de la volonté des êtres raisonnables de participer ou non à la Bonté et à
la Sagesse divine.
28. Affirmant que l'essence des choses coexiste à Dieu de
toute éternité et ne reçoit de lui que ses qualités, les Grecs prétendent qu'il
n'y a pas de contraire dans l'essence, mais seulement dans les qualités. Notre
thèse à nous, c'est que seule l'Essence divine, comme éternelle, infinie,
donnant aux autres la durée sans fin, n'admet en elle aucun contraire. L'essence
des êtres, elle, comporte son contraire, le non-être, et il dépend du bon
plaisir de lÕÊtre par excellence que cette essence soit toujours ou ne soit
plus, car ses dons sont sans repentance. Et voilà pourquoi elle est et sera
toujours en dépendance de la Toute-Puissance absolue, bien que, je le répète,
elle ait en soi son contraire, le non-être : car elle a été appelée du non-être
à l'être, et dans la Volonté de Dieu réside pour elle l'être ou le
non-être.
29. Le mal est la privation d'un bien : l'ignorance est la
privation de la connaissance. Pareillement, le non-être est la privation de
l'être, non pas chez l'Être par excellence, qui ne souffre pas en Lui de
contraire, mais chez l'être qui participe de l'Être par excellence. Or, la
privation du bien ou de la connaissance dépend du vouloir des créatures; mais la
privation de l'être, de la volonté du Créateur. En fait, dans sa Bonté, Il ne
cesse de vouloir que les êtres soient, et toujours reçoivent ses
bienfaits.
30. Parmi les créatures, les unes, raisonnables et spirituelles,
peuvent admettre des contraires : vertu ou vice, science ou ignorance. Les
autres sont les divers corps, composés d'éléments contraires : air, terre, feu,
eau. Les premières sont tout incorporelles et immatérielles, bien que certaines
d'entre elles soient unies à des corps. Les autres ne sont constituées que de
matière et de forme.
31. Par nature, tous les corps sont immobiles. S'ils se
meuvent, c'est par l'âme, raisonnable chez les uns, ailleurs sans raison,
ailleurs même insensible.
32. Les puissances de l'âme ont pour objet, la
première la nutrition et le développement; la seconde, les imaginations et
impulsions; la troisième, le jugement et la pensée. Les végétaux n'ont que la
première; les animaux sans raison y joignent la seconde; les hommes, en plus,
possèdent la troisième. Or les deux premières sont corruptibles, mais la
troisième incorruptible et immortelle.
33. Les saints anges se communiquent
les uns aux autres l'illumination divine; aux hommes ils font part soit de leur
vertu, soit de la connaissance qui est en eux. De leur vertu : leur bonté, par
exemple, qui, à lÕimitation de Dieu, les porte à se faire du bien, à eux-mêmes
et les uns aux autres, et à en faire à leurs inférieurs, aidant à leur
divinisation. De leur connaissance : sur Dieu, rendant la nôtre plus élevée
(car, dit l'Écriture : C'est toi lé Très-Haut, Seigneur pour lÕéternité. Ps
91,9) sur les corps, plus profonde; sur les incorporels, plus exacte; sur la
Providence, plus pénétrante sur les jugements divins, plus claire.
34
L'impureté de l'esprit, c'est d'abord la fausse connaissance; puis l'ignorance
d'un des universaux (je ne parle, bien sûr, que de l'esprit humain, car pour
celui de l'ange, il ne peut rien ignorer, même du singulier); en troisième lieu,
la pensée passionnée; enfin le consentement au péché.
35. L'impureté de
l'âme, c'est de ne pas agir selon la nature, car c'est la, ce qui fait naître
dans l'esprit les pensées passionnées. Elle agit, en effet, selon la nature,
lorsque ses puissances de passion — je veux dire l'irascible et le
concupiscible - en face des objets et de leurs représentations, demeurent en
paix.
36. L'impureté du corps, c'est le péché d'action.
37. Il aime la
retraite, celui qui n'éprouve aucune passion pour les choses du monde; il aime
tous les hommes, celui qui n'aime plus rien d'humain; il possède la connaissance
de Dieu et du divin, celui qui ne se scandalise au sujet de personne, soit pour
ses fautes, soit pour des pensées soupçonneuses.
38. N'avoir aucun
attachement aux objets, c'est bien; rester sans passion devant leurs
représentations, c'est beaucoup mieux.
39. Amour et maîtrise de soi gardent
l'esprit libre en face des objets et de leurs représentations.
40. L'esprit
ami de Dieu combat non pas les objets ni leurs représentations, mais les
passions qui se lient à ces représentations. Ainsi, il ne s'en prend pas aux
femmes, ni à qui l'a contristé, ni aux images qui les représentent, mais aux
passions liées à ces images.
41. Toute la lutte que le moine mène contre les
démons vise à séparer les passions des représentations : sinon, impossible de
garder sa liberté intérieure à la vue des choses.
42. Autre chose est un
objet, autre chose une représentation, autre chose une passion. Ainsi, un homme,
une femme, de l'argent, voilà des objets; le simple souvenir de ces objets,
voilà une représentation, une affection déraisonnable ou une haine aveugle pour
ces mêmes objets, voilà une passion. Or, la lutte que mène le moine est dirigée
contre la passion.
43. Une représentation passionnée, c'est une pensée
composée d'une représentation et d'une passion. Séparons passion et
représentation, il ne reste que la simple pensée. Or nous les séparons par la
charité spirituelle et la maîtrise de nous-mêmes, si nous le vouons.
44. Les
vertus dégagent l'esprit des passions les contemplations spirituelles, des
représentations simples; la prière pure, enfin, l'établit près de Dieu.
45.
Les vertus sont ordonnées à la connaissance des créatures; cette connaissance,
au sujet connaissant; ce sujet, à Celui qui est connu dans l'ignorance, et qui
connaît par delà toute connaissance.
46. Ce n'est pas du tout par besoin que
Dieu, la Plénitude absolue, a amené à l'existence ses créatures, c'est pour que
ces créatures fussent heureuses d'avoir part à sa Ressemblance, et pour se
réjouir Lui-même de la joie de ses créatures, tandis qu'elles puisent
inépuisablement à l'Inépuisable.
47. Il y a dans le monde bien des pauvres
d'esprit, mais non pas de ceux qu'il faudrait; bien des affligés, mais d'avoir
perdu leur fortune ou leurs enfants; bien des doux, mais pour satisfaire des
passions impures; bien des affamés ou altérés, mais du bien d'autrui et de
profits injustes; bien des compatissants, mais pour leur corps et ce qui
l'intéresse, des coeurs purs, mais par vanité; des pacifiques, mais parce qu'ils
ont soumis l'âme à la chair; des persécutés sans nombre, mais pour leur
indiscipline; beaucoup d'injuriés, mais à cause de péchés honteux. Ceux-là
seulement sont heureux, qui agissent et endurent pour le Christ et d'après le
Christ. Pourquoi ? Parce qu'à eux est le royaume des cieux, parce qu'ils verront
Dieu, etc... Ce n'est donc pas
parce qu'ils agissent ou endurent quÕils sont
heureux, mais parce qu'ils agissent ou endurent pour le Christ et à l'imitation
du Christ.
48. Dans toutes nos actions, je l'ai dit souvent, c'est
l'intention que Dieu recherche; agissons-nous pour Lui, ou pour un autre motif ?
Si donc nous voulons faire le bien, ayons en vue, non de plaire aux hommes, mais
de réaliser les intentions de Dieu. Les yeux toujours fixés sur Lui, faisons
tout pour Lui; c'est ainsi que, supportant la peine, nous ne perdrons pas notre
salaire.
49. Chasse de ton esprit, à l'heure de l'oraison, jusqu'aux simples
représentations des réalités humaines et aux images de toutes les créatures.
Sinon, l'imagination occupée d'objets de moindre importance, tu perdras Celui
qui leur est incomparablement supérieur à tous.
50. Si nous aimons
sincèrement Dieu, notre charité même chasse nos passions. Or, aimer Dieu, c'est
Le préférer, Lui, au monde, et l'âme à la chair, ce qui se traduit par le mépris
des choses du monde, une attention continuelle à Dieu, par la maîtrise de soi,
par lÕamour, la prière, le chant des psaumes.
51. Si, par une longue
attention à Dieu, nous surveillons la puissance de passion de notre âme, nous ne
céderons plus sous les attaques des mauvaises pensées, mais, attentifs à
supprimer soigneusement leurs causes, nous acquerrons assez de discernement pour
voir s'accomplir en nous la parole : Mon oeil a surveillé mes ennemis; et les
méchants qui sÕélèvent contre moi, mon oreille les entendra. (Ps 91,12).
52.
Si tu constates que ton esprit, devant ses représentations du monde, demeure
dans la piété et la justice, sache que ton corps lui aussi restera pur et sans
péché. Mais si tu constates que ton esprit, au lieu de couper court, s'attarde à
la pensée du péché, sache que ton corps lui non plus ne sera pas longtemps sans
succomber.
53. De même que le corps a pour monde les choses, l'esprit a pour
monde les représentations intellectuelles. Et de même que le corps commet le
péché de fornication avec le corps d'une femme, l'esprit pèche avec la
représentation qu'il se fait de la femme, et l'image de son propre corps. Car en
imagination il voit l'image de son corps unie à l'image du corps de la femme,
tout comme en imagination l'image de son propre corps marque sa répulsion envers
l'image de son offenseur, et ainsi pour tous les péchés. A l'action que le corps
exerce, concrètement, sur le monde des choses, répond l'action de l'esprit sur
le monde des représentations.
54. Il n'y a pas à nous effrayer ni à nous
jeter dans la stupeur ou l'étonnement parce que Dieu le Père ne juge personne,
mais a remis au Fils tout jugement. Le Fils s'écrie : Ne jugez pas, ou vous
serez jugés; ne condamnez pas, ou vous serez condamnés; (Jn 5,22) et l'Apôtre :
Ne jugez de rien avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur. (1 Cor 4,5)-
Le jugement même que tu portes sur l'autre, c'est la condamnation à toi. (Rom
2,1). Mais les hommes, sans se soucier de pleurer leurs propres péchés, prennent
au Fils son jugement et, d'eux-mêmes, comme s'ils étaient sans péché, se jugent
et se condamnent les uns les autres ! Le ciel s'en est étonné, la terre en a
frémi; mais eux n'ont pas honte : ils sont insensibles.
55. Qui se montre
curieux des péchés d'autrui ou, sur un simple soupçon, juge son frère, est
encore bien éloigné de la pénitence et du souci de découvrir ses propres fautes,
plus pesantes en vérité quÕune énorme masse de plomb. Il n'a pas compris ce qui
fait l'homme au coeur lourd, épris de futilité, qui recherche le mensonge.
Aussi, comme un fou qui va dans l'obscurité, sans s'occuper de ses péchés à lui,
il se dépeint ceux des autres, vrais ou supposés d'après un indice
quelconque.
56. L'égoïsme, je l'ai dit bien souvent, est à la source de
toutes les pensées passionnées. De Iui naissent, en effet, les trois vices
capitaux de la convoitise : gourmandise, avarice, vaine gloire. Puis de la
gourmandise naît la luxure, de l'avarice la cupidité, de la vaine gloire
l'orgueil. Et tous les autres, sans exception, se rattachent à l'un des trois
précédents : colère, tristesse, rancune, paresse, envie, médisance, etc...
Passions qui toutes ensemble enchaînent l'esprit aux objets matériels, le
retiennent sur la terre, pesant sur lui comme une masse de pierre. Sur lui, plus
léger par nature et plus vif que le feu !
57. A l'origine de toute passion,
l'égoïsme, et au terme, l'orgueil. L'égoïsme, c'est l'affection déraisonnable
pour le corps : qui le détruit, détruit du coup toutes les passions qui viennent
de lui.
58. Les parents restent vivement attachés aux corps qu'ils ont
produits; et l'esprit, par nature, tient aux raisons qu'il découvre. Aux yeux
des parents passionnés, des enfants difformes jusqu'au complet ridicule sont
entre tous beaux et bien bâtis; et à un esprit qui manque de sens, ses raisons,
même tout à fait absurdes, semblent les plus sensées du monde. Le sage, lui, ne
tient pas à ses raisons. Se sent-il convaincu de leur vérité et de leur
excellence ? Raison de plus pour qu'il se défie de son jugement, et soumette à
d'autres hommes avisés ses raisons et ses pensées, crainte de courir et d'avoir
couru pour rien. Et c'est sur eux qu'il prend assurance.
59. Si tu as raison
des passions plus honteuses : gourmandise, luxure, colère ou cupidité, tout de
suite les pensées de la vaine gloire fondent sur toi; et si tu en triomphes,
celles de l'orgueil prennent leur place.
60. Quand les passions honteuses
dominent l'âme, elles en chassent les pensées de vaine gloire; ces passions
vaincues, elles se déchaînent en elle.
61. La vaine gloire, qu'elle soit
détruite ou qu'elle demeure, produit l'orgueil, sous forme de présomption quand
elle est détruite et, quand elle demeure, de jactance.
62. La vaine gloire
est supprimée par l'action cachée; et l'orgueil, si l'on attribue à Dieu ses
bonnes actions.
63. Qui a mérité d'obtenir la connaissance de Dieu et jouit
sincèrement du plaisir qu'elle donne, méprise tous les plaisirs issus de la
puissance concupiscible.
64. Celui dont les désirs se bornent aux choses de
la terre convoite la bonne chère, le plaisir sexuel, la célébrité, la fortune et
tout ce qu'elles entraînent. Si son esprit ne trouve aucun objet meilleur vers
quoi tourner la convoitise, il restera à jamais incapable de mépriser ces
objets-là. Combien plus excellente, sans comparaison, la connaissance de Dieu et
des réalités divines !
65. Le mépris des plaisirs provient, soit de la
crainte, soit de l'espérance, soit de la connaissance, soit de l'amour de
Dieu.
66. La connaissance sans passion des choses divines ne mène pas
effectivement l'esprit au mépris des objets matériels. Son action ressemble à
celle de la pensée simple d'un objet sensible. Aussi le cas nÕest-il pas rare
d'hommes qui, tout en avant la connaissance, se vautrent, comme des porcs dans
la boue, parmi les passions charnelles. Ils ont d'abord, en effet, grâce à leur
application, atteint une certaine pureté, et trouvé la connaissance; puis ils se
sont laissés aller, semblables à Saül, qui, d'abord jugé digne de régner,
gouverna indignement, et, par un redoutable effet de la Colère divine, fut
rejeté.
67. Pas plus que la simple pensée d'une chose humaine ne mène
forcément lÕesprit au mépris des choses divines, la simple connaissance des
choses divines ne le mène effectivement au mépris des choses humaines, parce
qu'ici-bas la vérité n'apparaît qu'en ombres et en figures. C'est pourquoi il
faut cette bienheureuse passion de la sainte charité pour attacher l'esprit aux
objets de la contemplation spirituelle et lui faire préférer, au matériel
l'immatériel, au sensible, le spirituel et le divin.
68. Avoir retranché ses
passions et simplifié ses pensées, ce n'est pas pour autant les avoir
entièrement tournées vers le divin. On n'est plus attaché à l'humain, mais on ne
l'est pas non plus au divin. C'est le cas de ceux qui ne sont qu'actifs, qui
n'ont pas encore mérité d'obtenir la connaissance, mais qui maîtrisent leurs
passions par crainte du châtiment ou espérance du royaume.
69. Nous marchons
par la foi, non par la vue, (2 Cor 5,7) et nous ne connaissons que dans un
miroir et en énigmes. Aussi devons-nous nous appliquer très soigneusement a
cette connaissance : c'est à force de méditations et d'entretiens prolongés que
nous la transformerons en lÕhabitude inébranlable de la contemplation.
70. Si
nous nous adonnons à la contemplation spirituelle tout en n'ayant que très
imparfaitement extirpé les causes de nos passions, et si nous n'y persévérons
pas constamment en faisant d'elle notre occupation, bien vite nous nous
orienterons de nouveau dans le sens des passions charnelles. Et nous n'en aurons
recueilli d'autre fruit qu'une connaissance aride, mêlée de présomption, qui peu
à peu en viendra à s'obscurcir elle-même, tandis que l'esprit se tournera tout
entier vers les réalités matérielles.
71. Passion d'amour blâmable, celle qui
occupe l'esprit aux réalités matérielles; passion d'amour louable, celle qui
l'attache au divin. Car en général, lorsqu'il s'arrête à un objet, l'esprit est
à l'aise et là où il est à l'aise viennent converger ses désirs et son amour;
soit vers les réalités divines et spirituelles qui lui conviennent en propre,
soit vers les réalités et passions charnelles.
72. C'est Dieu qui a créé le
monde visible et l'invisible, Lui aussi, évidemment, qui a fait Lui-même l'âme
et le corps. Or si le monde visible est si beau, que doit donc être l'invisible
! Et si l'invisible est préférable au visible, combien plus excellent encore
Dieu qui les a faits tous deux ! Mais si le Créateur de l'univers surpasse
en excellence toutes les créatures, comment expliquer que l'esprit délaisse le
mieux pour s'attacher au pire : les passions charnelles ? N'est-ce pas que, de
naissance orienté vers elles, accoutumé à elles, il n'a jamais connu
l'expérience vraie de l'excellence suprême, du Transcendant ? Exerçons-le donc
longuement à s'abstenir des plaisirs, à s'occuper au divin et, retiré peu à peu
de son état, nous le verrons, à fur et à mesure de ses progrès dans les voies de
Dieu, se trouver à l'aise et reconnaître sa véritable dignité; en fin de quoi,
tout son désir se tournera vers le divin.
73. Divulguer, sans céder à la
passion, le péché d'un frère, on le peut pour deux raisons : pour le corriger,
pour être utile à un autre. Hors ces deux cas, en parler soit à l'intéressé,
soit à un autre, c'est le blesser ou médire de lui, sans pouvoir échapper à la
déréliction de Dieu; nous tomberons nous-mêmes dans la même faute ou dans une
autre, et les reproches d'autrui, ses médisances sur notre compte, nous
couvriront de honte.
74. Pour un même péché d'action, il y a chez les
pécheurs non pas une seule, mais diverses attitudes d'esprit possibles. Autre
par exemple est le péché d'habitude, autre le péché de surprise. En ce dernier
cas, ni avant ni après la faute on n'en a la pleine advertance, mais on
regrette, et vivement, ce qui est arrivé. Pour le péché d'habitude, au contraire
: avant, on ne cessait de pécher en pensée; après l'acte, la disposition demeure
la même.
75. Qui recherche les vertus par vaine gloire, poursuit aussi, bien
entendu, la connaissance par vaine gloire. Rien chez un tel homme, c'est trop
clair, ni actes ni propos, ne vise à l'édification; toujours, qu'on le regarde
ou l'écoute, il est à l'affût d'un compliment. Mais où sa passion fait ses
preuves, c'est lorsque tel ou tel trouve à redire à ses actes ou à ses propos :
alors le voilà tout triste, non de ce qu'il n'a pas édifié, (il n'en avait
cure), mais de ce qu'on ne fait point de cas de sa personne.
76. Indices
certains de la passion d'avarice : recevoir avec joie, communiquer avec peine.
Un tel homme ne peut faire un dispensateur.
77. Voici pourquoi l'on souffre
avec patience : pour l'amour de Dieu, par espoir de la récompense, par crainte
du châtiment, par respect humain; par tempérament, pour un plaisir, pour un
bénéfice, par vaine gloire, par nécessité.
78. Autre chose est d'être
débarrassé des pensées, autre chose d'être délivré des passions. Souvent on est
débarrassé des pensées par l'absence des objets pour lesquels on a une passion.
Mais les passions restent cachées dans l'âme; que réapparaissent les objets,
elles se révèlent. D'où nécessité de surveiller l'esprit en présence des objets,
et de discerner pourquoi il éprouve la passion.
79. Celui-là est un ami
sincère, qui à l'heure de l'épreuve supporte avec son prochain et fait siennes,
sans trouble ni agitation, les afflictions, contraintes et infortunes venues des
circonstances.
80. Garde-toi de faire fi de ta conscience, qui toujours
t'invite au mieux, elle te suggère les conseils de Dieu et des anges, elle te
purifie des souillures cachées de ton coeur et, à l'heure du départ, te confère
la familiarité divine.
81. Veux-tu posséder la connaissance et rester
modeste, sans être asservi par la passion de présomption ? Cherche toujours dans
les êtres ce qui échappe à ia connaissance. Tu découvriras alors mille détails
divers qui t'échappaient; étonné de ton ignorance, tu en rabattras de tes
prétentions et, te connaissant toi-même, tu comprendras bien des choses, et
profondes, et merveilleuses. Croire que l'on sait, en effet, est un obstacle au
progrès de la connaissance.
82. Celui-là veut vraiment être sauvé, qui ne
résiste pas au traitement du médecin. Or, ce traitement consiste dans les
souffrances et tristesses qu'apportent tour à tour les circonstances. Celui qui
leur résiste ignore ce qui s'accomplit par elles, et quel profit il en aurait
tiré à lÕheure de la mort.
83. Vaine gloire et avarice s'engendrent l'une
l'autre; le vaniteux amasse de l'argent, le riche est vaniteux, mais dans le
monde. Le moine, lui, sÕil est pauvre, en tire encore plus vanité; s'il a de
l'argent, il le cache, honteux de posséder un objet qui ne convient pas a son
état.
84. La vaine gloire, pour le moine, consiste a tirer vanité de la
vérité et de ce qui s'y rapporte; son orgueil particulier, à s'estimer pour ses
bonnes actions, à mépriser autrui et à s'attribuer ces actions à
lui-même.
85. Vertu pour le mondain, vice pour le moine; vertu pour le moine,
vice pour le mondain. Exemples vertu pour le mondain : richesse, célébrité,
influence, plaisir, santé, nombreux enfants, et tout ce qui leur fait cortège...
Que le moine y touche, et il est perdu. Au contraire, vertu pour le moine :
pauvreté, obscurité, absence d'autorité, abstinence, mortification, et ainsi de
suite... Qu'un mondain, à contre-coeur, en vienne là, ce sera pour lui déchoir
profondément. Souvent il sera tenté de se pendre : le fait s'est vu.
86. Les
choses que nous mangeons ont été, créées pour une double fin : nous alimenter et
nous servir de remède. Manger pour d'autres motifs,c'est abuser de ce que Dieu a
mis à notre usage, et se condamner comme voluptueux. En toutes choses, le péché,
c'est l'abus.
87. L'humilité est une prière continuelle, dans les larmes et
l'effort. Elle est sans cesse, lancé vers Dieu, un appel au secours; elle ne
vous permet pas de vous assurer imprudemment sur votre propre puissance ou votre
propre sagesse, ni de vous estimer plus que les autres, ce qui arrive dans cette
terrible maladie qu'est la passion d'orgueil.
88. Autre est la lutte contre
la pensée simple, crainte qu'elle n'émeuve la passion; et contre la pensée
passionnée, pour prévenir tout consentement. Mais dans les deux cas, même règle
: ne pas laisser durer les pensées.
89. Tristesse el rancune vont de pair. Si
donc l'esprit éprouve de la tristesse à se représenter le visage dÕun frère,
c'est la preuve qu'il a contre lui de la rancune. Les voies des rancuniers
mènent à la mort, parce que tout homme qui garde de la rancune est injuste. (Pro
12,28).
90. Ressens-tu de la rancune contre quelqu'un ? Prie pour lui, et tu
briseras l'élan de la passion, la prière purifiant de toute amertume le souvenir
du mal que t'a fait cet homme. Puis, parvenu à lÕamour et à la bienveillance
pour le prochain, tu élimineras de ton âme toute trace de passion. Si c'est un
autre qui a contre toi de la rancune, fais-toi aimable et humble à son égard,
traite-le bien, et tu le délivreras de sa passion.
91. Quant à lÕenvieux, tu
auras du mal à apaiser sa tristesse, car ce qu'il regarde comme son malheur,
c'est cela même qu'il envie en toi; et pour l'apaiser, pas d'autre moyen que de
dissimuler. Mais si ce qui l'afflige, est utile à beaucoup, quel parti prendre ?
Évidemment, celui du grand nombre, sans négliger l'isolé, autant que faire se
peut, ni se laisser rebuter par la malice de sa passion, car ce n'est pas à la
passion, mais à l'homme passionné que tu viens en aide. A force d'humilité
regarde-le comme supérieur à toi-même; de tout temps, en tout lieu, en toute
affaire, donne-lui la préférence. Quant à ton envie à toi, le moyen de
l'apaiser, c'est, voyant dans la joie celui que tu envies, de te réjouir avec
lui et, le voyant peiné, de t'affliger avec lui, pour accomplir la parole, de
l'Apôtre : Se réjouir avec ceux qui se réjouissent, pleurer avec ceux qui
pleurent. (Rom 12,15).
92. Notre esprit est placé entre deux influences, qui
agissent sur lui chacune pour son compte : vertu d'un côté, vice de l'autre. Il
s'agit d'un ange et d'un démon. L'esprit est libre et il a le pouvoir de céder
ou de s'opposer à celle qu'il veut.
93. Les bons anges nous poussent au bien,
les tendances profondes de notre nature et la bonne volonté nous aident. Quant
aux attaques des démons, elles sont secondées par les passions et la mauvaise
volonté.
94. Quand l'esprit est purifié, parfois Dieu Lui-même le visite et
l'instruit, parfois les bons anges l'inspirent au bien, ou la nature des objets,
qu'il perçoit dans sa contemplation.
95. Quant l'esprit a été jugé d'obtenir
la connaissance, son devoir est de garder sans passion ses représentations des
choses, sans erreur les objets de sa contemplation, et sans trouble son état de
prière. Mais les préserver sans cesse des brusques révoltes de la chair, quand
les ruses du démon l'aveuglent, il ne le peut.
96. Ce qui nous attriste ne
nous met pas toujours en colère : dans la plupart des cas, les causes de
tristesse l'emportent sur l'irritation. Ainsi cet objet brisé, celui-là détruit,
la mort d'un tel... voilà qui est triste seulement. Dans les autres cas, à la
tristesse se joint l'irritation, si nous n'avons les dispositions d'un
philosophe.
97. Recevant les représentations des choses, l'esprit se modèle
naturellement sur chacune d'elles. Quand il les contemple spirituellement, il
prend diverses manières d'être suivant les divers objets de sa contemplation.
Quand il est en Dieu, il perd toute forme et toute figure.
98. L'âme est
parfaite, quand sa puissance de passion s'est complètement tournée vers
Dieu.
99. L'esprit est parfait, quand grâce à une foi véritable, il possède
dans la super-ignorance la super-connaissance du Super-inconnaissable; quand il
saisit dans les créatures leurs raisons universelles; quand, sur l'action en
elles de la providence et du jugement divins, il a reçu de Dieu la connaissance
qui comprend tout en soi. Tout cela, bien entendu, autant qu'il est possible à
l'homme.
100. Le temps se divise en trois périodes. La foi s'étend à toutes
les trois, l'espérance à la première, lÕamour aux deux autres. La foi et
l'espérance ne durent que jusqu'à un certain moment; mais lÕamour, au long des
siècles infinis, dans la super-union au Super-infini, demeure sur-augmentant
sans cesse. Aussi la plus grande des trois, c'est lÕamour. (1 Cor
13,13).